Rénovation énergétique des bâtiments : le tiers financement
N° 2015-36 / À jour au 11 février 2016
CCH : L.381-1 et L.381-2/R.381-9 à R.381-12
Code monétaire et financier : L.511-6 et R.518-70 à R.518-74 (nouveaux créés par le décret du 25.11.15 (JO du 26.11.15) / Arrêté du 28.2.16 (JO du 11.2.16)
Pour faciliter la réalisation de travaux de rénovation énergétique et atteindre les objectifs nationaux de réduction d’émissions de gaz à effet de serre, la loi Alur du 24 mars 2014 et la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte du 17 août 2015 ont mis en place un outil dédié au financement de ces travaux : le tiers-financement.
Le tiers-financement est le mécanisme par lequel le propriétaire d’un ou plusieurs immeubles (copropriété, bailleur social, société privée…) confie la réalisation et le financement d’un projet de rénovation énergétique (isolation des façades, ravalement, changement du système de chauffage, …) à un tiers (une société de tiers-financement).
Pour exercer cette activité, le tiers doit respecter plusieurs conditions comme posséder un capital minimum de deux millions d’euros et avoir obtenu l’autorisation de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR).
Lorsque l’amélioration de la performance énergétique du bâtiment est garantie contractuellement, un Contrat de Performance Energétique (CPE) doit être signé.
Le mécanisme de tiers-financement
Le tiers-financement se définit comme une offre de services techniques et financiers permettant de diminuer la consommation énergétique d’un logement ou d’un bâtiment (CCH : L.381-1).
Finalité globale de l’opération (CCH : R.381-10)
L’opération de tiers-financement doit permettre de réaliser des économies d’énergie dans le logement ou le bâtiment et d’atteindre une diminution de la consommation conventionnelle d'énergie primaire1 d’au moins 25 % par rapport au niveau initial (arrêté du 28.2.16).
Cette diminution de consommation énergétique concerne les énergies utilisées pour le chauffage, la production d’eau chaude et le refroidissement (climatisation).
Bâtiments et logements concernés (CCH : R.381-9)
Les propriétaires de logements ou d’immeubles d’habitation ayant un projet de rénovation énergétique peuvent bénéficier des services proposés par une société de tiers-financement.
Les copropriétés peuvent également en bénéficier lorsqu’au moins 75 % des quotes-parts de cette copropriété correspondent à des lots affectés à l’usage d’habitation.
Fournitures de prestations
Les sociétés de tiers-financement proposent à la fois un service technique de rénovation énergétique d’un ou plusieurs bâtiments et son financement.
Offre technique (CCH : R.381-11)
L'offre technique doit porter sur la réalisation des travaux dont la finalité principale est la diminution des consommations énergétiques.
Elle comprend un socle minimal de prestations dont :
- la conception d’un programme des travaux permettant de diminuer la consommation énergétique du logement ou du bâtiment, réalisé sur la base d'un audit énergétique ;
- l'estimation des économies d'énergie associées à un programme de travaux ;
- l'accompagnement du maître d'ouvrage dans la réalisation des travaux ou la délégation par le maître d'ouvrage de la réalisation de ces travaux.
Financement de l’opération (CCH : R.381-12)
Le service de tiers-financement comprend au minimum la détermination du plan de financement des travaux, y compris l'identification des aides mobilisables et l'évaluation du montant restant à la charge du maître d'ouvrage, ainsi qu'une proposition de subrogation au maître d'ouvrage pour effectuer des demandes d'aides publiques et les percevoir, lorsque la réglementation attachée à ces aides le permet.
Le service peut également comprendre une offre de prêt, dans le but de faciliter le financement de tout ou partie des travaux. Cette offre peut être proposée directement par la société de tiers-financement, soit via une offre de crédit lorsqu'elle est agréée en tant qu'établissement de crédit ou société de financement, soit sous forme d'avances à titre gratuit.
Lorsque cette offre émane directement d'un établissement de crédit ou d'une société de financement, la société de tiers-financement est agréée comme intermédiaire en opération de banque et de service de paiement (Code monétaire et financier : L.519-1 I), ou intervient exclusivement à titre gratuit.
Pour connaître les prêts pouvant être consentis par les sociétés de tiers-financement (voir § « 3. Les financements proposés par les sociétés de tiers-financement »).
Note :
1 - Il s’agit de la quantité d'énergie prélevée sur la planète (pétrole brut, gaz naturel, biomasse...…) avant transformation et transport nécessaire à son utilisation finale pour l’eau chaude sanitaire, le chauffage et le refroidissement d’un logement. Cette consommation est définie en tenant compte de scénarios d’usage, par exemple, un comportement et un temps de présence standardisé des occupants, une température de consigne, des données météorologiques moyennées... La consommation conventionnelle d'énergie primaire s’exprime en kilowatt-heure énergie primaire par mètre carré et par an (kwhep/m².an).
L’exercice de l’activité de tiers-financement
Loi TE : art. 23 / CMF : L.511-6, L.511-33, L.612-1 et L.612-2 / Code de la consommation : L.333-4 / CCH : L.381-2 et L.381-3
L’exercice d’une activité de tiers-financement est encadré par la loi.
Conditions préalables à l’exercice de l’activité de tiers-financement
Conditions à remplir par la société de tiers-financement (CCH : L.381-3 / CMF : R. 518-73)
La loi réserve l'activité de prêteur aux seules sociétés de tiers-financement dont l'actionnariat est majoritairement composé de collectivités territoriales ou qui sont rattachées à une collectivité territoriale de tutelle. Le capital initial de la société de tiers-financement doit être au minimum de 2 millions d'euros (CMF : R. 518-73).
Lorsqu’il inclut des activités de crédit, le service de tiers-financement peut également être exercé indirectement par d’autres sociétés dans le cadre de conventions établies avec des établissements de crédit ou des sociétés de financement. Dans ce cas, la société de tiers-financement doit être agréée comme intermédiaire en opérations de banque et en services de paiement (CCH : L.381-3).
Les sociétés de tiers-financement ne sont pas autorisées à proposer au public des titres financiers, ni à collecter des fonds remboursables. Elles peuvent se financer par des ressources empruntées aux établissements de crédit ou sociétés de financement ou par tout autre moyen.
Conditions à remplir par le dirigeant d’une société de tiers-financement (décret du 25.11.15 : art. 1er / arrêté du 25.11.15 : art. 1er/ CMF : R. 518-72)
Les dirigeants de sociétés de tiers-financement doivent posséder l'honorabilité, la compétence et l'expérience nécessaire à leurs fonctions (CMF : R. 518-72).
À ce titre, ils ne doivent pas avoir fait l’objet d’une condamnation pénale depuis moins de dix ans, d’une mesure définitive de faillite personnelle ou d’une condamnation prononcée par une juridiction étrangère notamment (CMF : L.500-1).
Ils doivent également justifier :
- soit d’un diplôme d’un niveau supérieur à bac+2 en matière bancaire, financière, en sciences économiques ou commerciales, sciences de gestion, sciences physiques, mathématiques ou droit bancaire et financier ;
- soit d’une expérience professionnelle d'une durée de deux ans dans des fonctions liées à la réalisation d'opérations de crédit acquise en tant que cadre au cours des cinq dernières années ;
- soit d’une formation professionnelle en matière bancaire d'au moins 24 heures suivie auprès d'un centre de formation agréé, d'un établissement de crédit ou d'une société de financement (arrêté à paraître).
L'ACPR apprécie le respect de ces conditions et en assure le contrôle (CMF : R. 518-72).
Obtention d’une autorisation de l’ACPR (décret du 25.11.15 : art. 1er / CMF : R.518-70 et R.570-70)
Les conditions dans lesquelles les sociétés de tiers-financement sont autorisées par l’ACPR à exercer cette activité de crédit, ainsi que les règles de contrôle interne applicables sont précisées par le décret et l’arrêté du 25 novembre 2015.
Délivrance de l’autorisation
Délivrance de l’autorisation à exercer l’activité de tiers-financement (CMF : L.511-6 8° ; R. 518-70 et R.518-71 I)
Une procédure d'autorisation d’exercice de l'activité de tiers-financement est mise en place. L’ACPR doit statuer sur la demande de la société de tiers-financement dans un délai de deux mois à compter de la réception d'un dossier complet. L'absence de notification de sa décision au terme de ce délai vaut acceptation. Lorsqu’elle demande des informations complémentaires, elle le notifie par écrit au demandeur, en précisant que les éléments demandés doivent lui parvenir dans un délai de 30 jours. À défaut de réception de ces éléments dans ce délai, la demande d’autorisation est réputée rejetée.
Dès réception de l’intégralité des informations demandées, l’ACPR en accuse réception par écrit. Cet accusé de réception mentionne un nouveau délai d’instruction, qui ne peut excéder deux mois.
Les sociétés de tiers-financement sont tenues de vérifier la solvabilité de l'emprunteur à partir d'un nombre suffisant d'informations, y compris des informations fournies par ce dernier à leur demande.
L'autorisation d’exercer l’activité de tiers-financement est délivrée par l’autorité de contrôle prudentielle et de résolution (ACPR/CMF : L.511-6 8° et R.518-70).
Pour délivrer son autorisation, l’ACPR prend en compte le programme d'activités de la société de tiers-financement, son organisation, les règles de gestion et les moyens techniques et financiers qu'elle prévoit de mettre en œuvre pour assurer une gestion saine et prudente des opérations de crédit qu'elle réalise et qu'elle gère (CMF : R. 518-71.-I).
L’ACPR apprécie également l'aptitude de la société de tiers-financement à réaliser ses objectifs de développement dans des conditions qui assurent le respect des intérêts de sa clientèle, au regard notamment de la réglementation du code de la consommation et de certaines dispositions sur la copropriété (loi du 10.7.65 : art. 26-4 à 26-10).
L’autorisation est refusée lorsqu’il existe des motifs raisonnables de penser que la société de tiers-financement n'est pas apte à assurer une gestion saine et prudente des opérations de crédit qu'elle réalise et qu'elle gère, ou à assurer le respect des intérêts de sa clientèle, ou si les informations communiquées sont incomplètes.
La société de tiers-financement doit satisfaire à tout moment aux conditions de son autorisation.
Retrait de l’autorisation (CMF : R.518-71 II)
L’ACPR peut retirer l'autorisation sur demande de la société de tiers-financement ou d'office, lorsque celle-ci ne respecte plus les conditions de son autorisation ou les règles d’exercice de son activité (cf. CMF : R. 518-73 à R. 518-74).
Respect des conditions liées à l’exercice d’une activité de crédit (décret du 25.11.15 : art. 1er / arrêté du 25.11.15 : art. 2 / CMF : L.511-33 ; L.612-2 ; R.518-74 / Code de la consommation : L.333-4)
Les sociétés de tiers-financement sont soumises au contrôle de l’ACPR pour leur activité de crédit au même titre que les établissements de crédit ou de paiement (CMF : L.612-2). Elles peuvent consulter le fichier national des incidents de paiement des personnes physiques (Code de la consommation : L.333-4). Elles sont par ailleurs soumises au secret professionnel (CMF : L.511-33).
Au titre de leur activité de crédit, les sociétés de tiers-financement sont tenues (CMF : R. 518-74) :
- d’inclure dans leurs statuts l'activité de prêt pour la rénovation énergétique des logements, en fonction de l'autorisation qui leur a été donnée ;
- de mettre en place un contrôle interne qui doit prévoir notamment les règles de sélection et de surveillance des risques, la séparation des fonctions de décision et de contrôle, la signature par une personne dûment habilitée pour l'octroi des prêts, la désignation d'un responsable du contrôle interne et les indicateurs de suivi des résultats de l'activité (voir arrêté du 25.11.15 : art. 2) ;
- de se doter de règles et de procédures destinées à assurer le respect des intérêts de sa clientèle, en regard notamment des dispositions applicables du code de la consommation et des articles 26-4 à 26-8 de la loi du 10 juillet 1965 ;
- de faire certifier leurs comptes annuels par un commissaire aux comptes.
Les sociétés de tiers-financement doivent indiquer dans leur rapport annuel le montant et les caractéristiques des avances qu’elles consentent au titre de leur activité de tiers-financement et des ressources qu’elles mobilisent à cet effet.
Les financements proposés par les sociétés de tiers-financement
Les sociétés de tiers-financement peuvent mobiliser les aides à la rénovation énergétique (CITE, Eco-prêt, aides de l’Agence Nationale de l’Habitat, …).
Au titre de leur activité de prêteur, elles peuvent également proposer elles-mêmes aux propriétaires, copropriétaires ou copropriétés des prêts bancaires.
Ces prêts doivent être conformes à la réglementation en matière bancaire et financières, à la consommation (code de la consommation) et à certaines dispositions sur la copropriété (loi du 10.7.65 : art. 26-4 à 26-10). L'ACPR est chargée d’en assurer le respect.
Les sociétés de tiers-financement ont également accès au fichier des incidents de paiement auprès de la Banque de France (Code de la consommation : L.333-4).
Prêt à la rénovation énergétique (loi du 17.8.15 : art. 25 / Code de la consommation : L.314-1)
Tout comme les établissements de crédit ou les établissements financiers, les sociétés de tiers-financement peuvent consentir des prêts aux personnes physiques pour financer la rénovation énergétique de leur logement. Elles peuvent également en octroyer aux syndicats de copropriété (voir l'analyse juridique n° 2013-09 « Emprunt collectif »).
Prêt avance mutation (loi du 17.8.15 : art. 25 / Code de la consommation : L.314-1 et L.314-3 modifiés)
Comme les établissements de crédit, les établissements financiers, les sociétés de tiers-financement peuvent procéder au financement de travaux de rénovation au moyen d’un prêt avance mutation. Ce prêt doit être garanti par une hypothèque constituée à hauteur du montant initial du prêt et des intérêts.
Le remboursement du prêt pourra être exigé en cas de vente du bien. Le remboursement des intérêts peut faire l’objet d’un remboursement progressif, selon une périodicité convenue.
Certificats d’économie d’énergie (CEE/ loi du 17.8.15 : art. 30)
Depuis la loi du 17 août 2015, les sociétés d’économie mixte (SEM) à opération unique dont l’objet social inclut l’efficacité énergétique ou qui proposent un service de tiers‐financement (CCH : L.381-1) sont éligibles à valoriser des CEE (décret à paraître).
Pour bénéficier des CEE, les travaux doivent être réalisés par des entreprises « RGE » (voir analyse juridique n° 2014-10 « RGE : éco-conditionnalité des aides publiques à la rénovation énergétique »).
La mise en place d’un réseau d’opérateurs de tiers-financement par la Région
Programme régional pour l'efficacité énergétique (loi du 17.8.15 : art. 86 et 188 / Code de l’environnement : L.222-1)
Dans le cadre du programme régional pour l’efficacité énergétique, un réseau d'opérateurs de tiers-financement peut être mis place (loi du 17.8.15 : art. 86 et 188).
L’une des missions du programme est en effet de prévoir un volet dédié au financement de la rénovation énergétique, afin de favoriser une meilleure articulation entre les différentes aides publiques, d’encourager le développement d’outils de financement adaptés par les acteurs bancaires du territoire mais aussi de mettre en place un réseau d’opérateurs de tiers-financement.
Le programme régional pour l’efficacité énergétique est soumis pour approbation au préfet de région. Sa mise en œuvre s’appuie sur le réseau des plateformes territoriales de la rénovation énergétique ainsi que dans leur domaine de compétences respectifs sur l’ADEME, l’Anah, les ADIL, les ALEC, les Agences d’urbanisme, les CAUE, les Agences régionales de l’énergie et plus généralement sur le tissu associatif partenaire.